21/10/2009

# 2

Featuring Time

Dire que les périodes les plus sombres d’une vie sont souvent les plus inspiratrices est un bien mauvais cliché. Pourtant, rendons-nous à l’évidence, jamais crise n’aura été aussi propice à l’émergence de génie que celle que nous vivons aujourd’hui. Comme s’il fallait être au pied du mur pour réagir, comme si du doute se créait la surprise, l’incertitude des esprits a fini par provoquer le rassemblement des talents. Si l’industrie de la musique, en péril, ne peut pas compter sur ses grands pontes financiers pour se relever, elle sait en attendant résister en son cœur grâce à l’intelligence d’artistes audacieux, pour qui régaler et surprendre nos oreilles est encore une priorité. En cette fin d’année, la solution passe par la collaboration.


Ca commence par une info relevée sur le site d’un magazine branché : Jack White, Jimmy Page et The Edge, réunis pour les biens faits d’un documentaire. Trois pointures, trois univers, trois générations qui se rencontrent, le tout porté à l’écran par David Guggenheim, on sent soudain notre curiosité comme étant disons…légèrement titillée. Comme un gosse qui se précipiterait dans le jardin un jour de Pâques, on s’empresse illico presto d’entamer quelques recherches. La chasse au scoop a commencé. Sans trop de difficultés, c’est sur Youtube, boîte magique à la Mary Poppins, que notre excitation trébuche. La bande annonce d’It might get loud est disponible. On clique, et voilà comment on assiste à la rencontre de trois monstres de la musique, qui simplement, profitent d’une retraite à la campagne pour échanger trucs et astuces autour de la guitare. On se la repasse une fois, deux fois, on en veut plus. En deux minutes, on a compris qu’on avait affaire à une petite merveille. Fidèle à nous-mêmes, en bon dénicheur de perle rare, on se veut le premier sur le coup. Alors, on fouine un peu du côté des interdits, on traîne de ci de là…rien. Pas une image supplémentaire n’a filtrée. Le pirate (honteux) que nous sommes est déçu. Il faudra bien attendre patiemment la sortie officielle du dit documentaire pour en prendre plein les yeux. Malheureusement, comme pour nous faire saliver davantage, aucune date de sortie n’est encore communiquée pour le public français.




A peu près dans le même temps, on apprend que Jack White s’est essayé à de nouvelles infidélités musicales, loin de Meg. Après avoir revisité le blues au sein des Raconteurs, voici Jack, père fondateur des Dead Weather. Composé de la chanteuse ALisson Mosshart des Kills, du guitariste Dean Fertita des Queens of the Stone Age et du bassiste Jack Lawrence des sus cités Raconteurs, The Dead Weather offre aux amateurs de rock en tout genre une collaboration choc, à la fois inattendue mais réussie. Une première bonne surprise qui nous sauve d’un été un peu trop calme.







En plein mois d’Aout, on a à peine le temps d’évacuer la chaleur, qu’entre deux baignades il nous tombe dans les oreilles une information brulante : Josh Homme, le meneur des Queens of the Stone Age à son tour délaisserait ses compères pour une autre partie à trois. A ses côtés, pas moins que Dave Grohl, ancien Nirvana et actuel Foo Fighters, et John Paul Jones, bassiste de Led Zeppelin. Them Crooked Vultures, c’est le nom du groupe, créé le buzz en jouant les invités surprises lors du Festival Rock en Seine. La machine est lancée. Sur le net, on s’affole, à la recherche du moindre live enregistré. Le son est lourd, la marque Homme intacte, le mélange efficace.



Alors que d’un point de vue musical on s’enfonçait dans une année plutôt moyenne, une lueur d’espoir ressurgit soudain. Déçus par les derniers opus de certains intouchables, gavés par les redondances navrantes de chanteuses (trop) blondes, c’est avec délivrance et délectation qu’on a laissé les riffs de guitare secouer notre fin d’été. Comme pour braver l’ennui, comme pour se sauver d’une lassitude trop éventuelle, ces artistes ont trouvé dans l’union non pas la force mais le génie.


Certes, on aurait tendance à penser que le featuring est ni plus ni moins un acte marketing bien pensé. Un passage emprunté par des artistes feignants, en manque d’nspiration, ou bien encore en mal de reconnaissance ou sur le retour. Depuis la fin des années 90, les albums dédiés à la formule du duo se sont multipliés. Et ça fonctionne. Même pour un titre. Dans la catégories des gros vendeurs internationaux, ça se bouscule; à tel point qu'on se croirait pris à témoin d'une bataille musicale pathétique, tant tous, en cherchant à surprendre, ont fini par se rendre bien souvent ridicules. Les collaborations pulullent, il n’y a qu’à observer: Madonna s'acoquine avec Justin après avoir libertiné avec Britney. Shakira danse avec Beyonce après avoir séduit Wyclef Jean. P Diddy joue les durs au coeur tendre avec Christina puis Nicole, Bono embarque Mary J Blige dans sa pop sucrée...Les exemples sont inombrables. Ce que ces artistes ont bien intégré, c'est que cette stratégie pouvait leur rapporter gros. Deux artistes, deux univers, deux publics: deux fois plus de ventes. La recette d’un succès facile, proposée par ces stars à paillettes, nous fait alors nous demander s’il reste un peu de passion et de sincérité derrière tout ça.

En effet, si faire se rencontrer deux artistes autour d’un même titre n’est pas une manœuvre nouvelle, on est malgré tout très loin de la magie que pouvait provoqué une rencontre entre un Mac Cartney et un Jackson ou un duo Bowie / Queen. L'émotion provoqué n'est plus la même, on ne joue cependant pas dans la même catégorie, soyons clair. Ne mélangeons pas tout. A l'époque, ces artistes, précurseurs, osaient déconcerter un public sans se soucier de la critique. Le respect et l'admiration réciproques que se vouaient ces icônes les poussaient à donner le meilleur d'eux même sans ne jamais chercher à s'imposer. L'égo ne laissant la place qu'au talent, le mélange des genres, du style, apparaissait dès lors comme évident et facile à opérer. Des expériences prodigieuses qui auront donné naissance à de petits bijoux, incontournables et intemporels.

Aujourd'hui, seul le rock semble encore pouvoir nous bluffer. Après les très prolifiques Jack White et Josh Homme, voici qu'arrive le projet Blakroc, ou le dernier concept détonnant des Black Keys. Une production maison signée Dan Auerbach et Patrick Carney, disponible fin novembre mais déjà annoncée comme la petite bombe de cette fin d'année. Au programme : la rencontre toute aussi inespérée que surprenante du blues rock et du hip hop. Ou comment les deux acolytes d'Akron relève le pari de l'impossible en posant les voix de la crème du hip hop US actuel sur leurs sons de guitare. 11 artistes, 11 jours de studio pour 11 titres, c'est l'aventure hallucinante que vous pouvez découvrir au travers des making offs disponibles sur la toile. Avec rien de moins que Mos Def, RZA, Jim Jones ou encore Raekwon pour cobayes, les Black Keys frappent un grand coup.

Prendre la crise à contre pied et continuer de kiffer, voilà comment lutter.