08/11/2009

# 3 Rencontre avec Julien Lachaussée.




La vérité sans paillettes


Julien Lachaussée est un jeune photographe parisien de 33 ans. Notamment connu pour avoir collaboré avec la marque Edwin, le photographe révèle à travers ses clichés une fascination pour la rue et ses côtés sombres. Personnage à l'humour pourtant survoltant, il assume ses choix et ne s'en détourne pas. A contradiction avouée, interview décomplexée.



Autoportrait J.Lachaussée.


L'underground et les personnages dit marginaux constituent tes thèmes de prédilection. Pourquoi cette attirance ? 


Je viens de la culture du skate que j'ai énormément pratiqué étant jeune. J'ai donc beaucoup trainé dans la rue, les parkings, j'essayais de bouger un maximum dans les endroits un peu underground. Je connaissais pas mal de monde, j'avais des attaches. J'ai commencé à prendre des photos pour m'amuser et puis je me suis aperçu que ça me plaisait vraiment. J'ai fini par m'inscrire dans une école de photo. Par la suite, mettre en scène cet univers que j'avais tant côtoyé est devenu une évidence.


Ce que l'on retient le plus de toi, c'est ton travail autour du tatouage. 


Les gens ne s'intéressent souvent qu'à cette petite partie de mon travail. J'aime le tatouage car j'aime l'esprit rock et toutes ses déviances. C'est aussi devenu un phénomène de société intéressant à étudier. J'aime rechercher des gens qui ont une véritable histoire à raconter avec leurs tatouages. Parfois, à travers eux, on découvre une partie de leur personnalité insoupçonnée. C'est ce qui me plait.


Les tatoués, les gangs, la rue...ce sont des thèmes assez récurrents chez les photographes. A sujet banal, traitement exceptionnel. Comment penses-tu te démarquer ?


Je travaille sur un projet de livre. Je voudrais proposer des photos de gens tatoués qui viennent d'endroits divers: des bikers, des streap teaseuses, des bodybuilers, des videurs de clubs, des skinheads, des gens un peu "voyous". Le but étant de réussir à déchiffrer et comprendre les codes de chacun. Tout ça me passionne. A côté de ça, je ne cherche pas réellement à me démarquer. Je ne fais pas attention à ça, je ne regarde pas trop ce que font les autres. Généralement, c'est quand on cherche à se démarquer qu'on y arrive le moins.  J'essaye juste de faire mon travail le plus honnêtement possible, en tentant de mettre en avant le détail unique. Ces personnes aiment se faire différencier.





Tu es toi même tatoué ?


Oui, j'en ai quelques uns. Mais c'est perso. C'est mon petit univers à moi.


Paris et son élitisme branché. Tu as maintenant ta petite notoriété, et les approches doivent se faire. Tu n'as pas l'air intéressé?


C'est difficile de percer à Paris. Et comme tu dis, c'est assez élitiste, tout marche par le relationnel. Mon univers n'est pas simple à vendre ici. J'envisage plutôt de bouger à Londres ou aux Etats Unis où on offre plus de liberté.  Je travaille d'ailleurs avec le magazine anglais Sang Bleu en ce moment. C'est très enrichissant, ils sont ouverts et je peux leur proposer mon univers sans trop de pression. C'est important pour moi de garder une ligne qui soit la plus honnête possible. Je n'assumerai pas un cliché qui ne me ressemble pas.


Pourtant refuser des projets c'est refuser de l'argent ? C'est devenu compliqué de vivre de la photo.


On vient vers moi car on a aimé le travail que j'ai commencé. Les gens savent dans quelle culture je baigne. Je suis assez sélectif quant aux propositions que j'ai car je veux garder cette sincérité dont je parlais. Je pense qu'accepter une collaboration pour l'argent me causerait plus de tort qu'autre chose. L'aspect financier est certes un réel problème pour un photographe qui veut se lancer. Mais pour moi ça ne prime pas. J'aurai pris un chemin tout à fait différent si c'était le cas. Je ne veux pas faire de compromis car je veux rester le plus authentique possible. Je ne vais pas travailler en fonction de ce qui plait aux autres. Si tu commences à te vendre, tu t'enterres tout seul.








Dans ton parcours, il y a le facteur chance. Je pense à ta rencontre avec Jan Welters.


C'est vrai, on s'est rencontré vraiment par hasard après mon école photo. A l'époque je ne pensais pas encore en faire mon métier. Je faisais du skate mais il me fallait un truc plus constructif.  Je bossais dans une boutique Levi's dans laquelle il y avait une galerie. Une de mes collègues avait une amie dont le mari était Jan Welters. Je l'ai rencontré comme ça. Avec lui j'ai tout appris. Il a un super oeil, une vraie identité, il est très rock mais très humain. C'est un véritable photographe de mode. Quand j'ai arrêté de travaillé avec lui, j'ai eu beaucoup de mal à trouver ma propre identité car j'étais très imprégné de son travail. Mais il m'a poussé à continuer. C'est devenu un ami.



Cette attirance pour les personnages sombres est-il révélateur de ton état d'esprit ? Te sens-tu proche d'eux ?


J'adore m'amuser, je suis quelqu'un de très joyeux. Cet univers très sombre peut être destabilisant pour certains, mais je suis en décalage avec tout ça. C'est difficile de le faire passer. Ces gens ont fait un choix de vie. Se faire tatouer c'est un vrai choix, une direction. Et ils l'assument. De mon côté, j'essaye de faire ressortir un maximum d'informations à travers leur portrait. Ils ne se livrent pas tous de la même façon. Certains se confessent sur leur vie personnelle, leur orientation politique. Je ne suis pas forcément d'accord avec eux mais ça me donne des indications, des idées pour mettre en scène le sujet.  En fait, j'aime bien me mettre en porte-à-faux, c'est aussi ce qui me donne l'adrénaline.





Ces personnes dites marginales, mais qui sont en fait marginalisées par notre société, semble plutôt prendre nos préjugés à contre pied et s'en amuser. C'est ce qu'on ressent à travers tes photos.


Totalement. La majorité des personnes que je photographie sont drôles. On hésiterait à déconner avec eux au premier abord, mais je peux assurer que ce sont des personnes vraiment marrantes. Ces gens n'ont pas de frustration, ils sont épanouis. Ils le sont souvent bien plus que le mec dans son costume trop propre sur lui qui ne sait pas se lâcher.
Mais si j'apprécie qu'ils se prennent au jeu, ce que je respecte le plus, c'est qu'ils ont une vraie valeur. Ils tiennent parole, n'annuleront pas un shooting pour lequel ils ont donné leur accord.


Tu es passionné par la rencontre.


On ne peut pas faire de belles images sans qu'il y ait un rapport de confiance entre le modèle et le photographe. C'est important que le modèle se sente à l'aise. Il faut qu'il y ait un partage. Je ne fais pas de photo sur le vif. Je réfléchis à ce qu'on pourrait faire avec mon modèle. L'endroit est très important par exemple. Il faut qu'il y ait une histoire, que ça lui corresponde.
Les années que j'ai passé avec Jan, j'essaye de les appliquer dans mon travail aujourd'hui pour donner ce côté reportage esthétisé.


Quel est l'exercice de style que tu apprécies le plus en photographie?


J'aime beaucoup le portrait. Mais je commence à me diriger vers de nouvelles choses, notamment dans le life style où il y a plus de mise en scène. Je photographie aussi des voitures, les styles commencent à se diversifier de plus en plus.


Et parlons d'Edwin. Comment un jeune photographe débutant a-t-il réussi à décrocher une collaboration avec une marque de vêtement ?


J'ai rencontré les créateurs de la marque complètement par hasard. Une fois encore, par le biais d'une amie qu'on avait en commun. C'était l'une des rares fois où j'avais mon book avec moi, ils l'ont regardé et ont eu un coup de coeur. Ils m'ont alors proposé un projet que j'ai trouvé génial. J'avais carte blanche. On a rassemblé des gens à forte personnalité, avec des gueules comme on dit, pour en faire les stars d'une exposition itinérante. Certains portraits ont servi ensuite pour la nouvelle campagne de pub de la marque. Le but était de faire comprendre qu'Edwin était une marque pour tous. Ca a été une super expérience.





Tu travailles avec quel matériel?


Je travaille en argentique, au moyen format. Je trouve que c'est plus fort, plus fonctionnel. Je trouve le résultat beaucoup plus humain qu'un travail au numérique. C'est plus traditionnel, il y a plus de relief, plus de chaleur. Aujourd'hui tout va vite. Avec l'argentique, tu prends le temps de réfléchir. Et il y a le facteur risque qui me donne l'adrénaline.


Quelles sont tes références dans le métier? Un photographe que tu aimes en particulier ?


Je ne suis fan de personne. J'aime aller regarder à droite à gauche. A vrai dire, mon univers, mes inspirations viennent plus du cinéma et de la musique que de la photographie en elle-même. Et ça peut aller du plus ringard au plus acclamé! J'adore le kitch, j'adore la culture américaine, les teen movies. Dans mes clichés j'adore cassé le côté dur avec un trait d'humour.


Quel regard portes-tu sur l'évolution de la photographie? On peut constater un intérêt grandissant pour le genre. Penses-tu qu'il y aient beaucoup d'impostures?


Je me sens de moins en moins concerné. Je ne vais plus sur les salons de photo qui sont devenus à mon sens des salons d'informaticiens. On n'y vend plus de matériel qu'on n'y parle vraiment photo. C'est pour les nerds.
Beaucoup de gens se lancent dans la photographie du jour au lendemain. J'essaye de ne pas y penser, ça me déprime! La photographie est un métier noble et on est entrain de le piétiner. Il n'y a rien de tel qu'un beau tirage, un beau papier, et un travail d'équipe. Aujourd'hui, tu fais 300 photos à partir d'un numérique avant d'être satisfait et encore, tout est retouché.


Tu ne retouches pas tes photos?


Je ne retouche rien du tout. A part quelques petits contrastes comme tout le monde. Mais sinon non. J'aime le côté imparfait de la photo. Je ne fais pas de la mode, je ne cherche pas à embellir le plus possible mon cliché. Le défaut de la photo c'est aussi ce qui va lui donner son charme. C'est comme dans la vie. A trop vouloir rendre la photo parfaite, on finit par délivrer une photo qui n'est pas du tout représentative de la réalité.


Une photo d'un autre que tu aurais aimé faire ?


Je suis trop dans mon cocon pour ça. Je suis content des belles choses, ça fait du bien. Mais je n'ai ni envie ni regrets. Je ne me dis pas que tout a été fait, mais que tout est à refaire. Les gens vieillissent, prennent des rides, les traits changent. Je me demande alors ce que je pourrais faire pour proposer mieux.


Une photo que tu rêverais de faire ?


J'adorerais pouvoir travailler avec Mickey Rourke ou Calvin Russel. Ils ont un passé, des histoires riches. J'espère que ça constituera une partie de la suite de mon travail.


Un conseil à donner aux photographes débutants ?


Je n'ai pas vraiment de conseils à donner, je suis encore au début. Mais ce que je peux tirer de mon expérience, c'est qu'il faut faire ce travail avec humilité et prendre un maximum de plaisir. C'est un milieu tellement difficile qu'on est vite découragé, notamment par le côté financier dont on parlait plus tôt. Il faut avoir des gens autour de soi, des amis, de la famille, qui nous encouragent, qui nous disent qu'ils croient en nous. Il faut être passionné pour ne pas abandonner. 


Tu es photographe, mais tu refuses qu'on te prenne en photo...


C'est vrai que je n'aime pas trop qu'on me prenne en photo. Je suis très difficile, très critique. Et certainement pas encore assez vieux pour être intéressant. A 50 ans qui sait.
Dans ce métier on a des retours assez vite, c'est donc important de pouvoir contrôler son image et de le faire bien. Je n'aime pas que les choses soient déformées.


Tu nous disais un peu plus haut que tes inspirations venaient plutôt de la musique et du cinéma. Quelles sont tes références ?


Je suis ultra fan de musique! J'écoute tout sauf du rap et de la techno. J'aime le Hip Hop pour son côté esthétique mais musicalement parlant, ça ne me donne pas de frissons. J'adore les groupes de rock des années 80 du genre Guns N' Roses, tu vois les mecs avec leurs cheveux longs et leur guitare. J'aime aussi beaucoup Chet Baker. Tiens lui j'aurai adoré faire son portrait par exemple. Il avait une identité que j'aime vraiment. Un charisme. Quand tu t'intéresses à sa musique, tu es obligé de t'intéresser à sa vie. Je te conseille de voir le film Let's get lost, inspiré de sa vie. C'est intense.
En France niveau musique c'est flippant. Ca me déprime. Bashung était super. Daniel Darc j'aime bien, en tant que personnage il dégage.
Sinon...on ne rigole pas mais j'aime bien Florent Pagny.


C'est dur de se retenir...


Ouais d'accord. Et puis non j'assume ! Je trouve qu'il a des couilles ce mec. La Patagonie, sa chanson sur le fisc...il a tenté le truc.


Et niveau cinéma ? 


J'adore Platoon. Et je suis fan de Johnny Depp, je dirai donc Edward aux mains d'argent. Je peux aussi dire Rambo et Conan le barbare...


Non...


Ca déchire ! Le film de ma vie c'est les Gremlins. Je l'ai vu 30 ou 40 fois. 
Je suis une contradiction permanente ! 


www.julienlachaussee.com
www.myspace/julienlachausse.com


M.

2 commentaires:

  1. Anonyme4:40 AM

    Il est bon ce photographe, j'aime son style... trop Wicked.

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  2. Anonyme3:47 PM

    c'est un vrai ce mec
    Wicked !

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